Par Jeremy Cook
Dans un article de 2018, nous avions vu comment utiliser un microcontrôleur embarqué sur une Arduino Uno pour faire émettre une musique très rudimentaire à un petit haut-parleur. Comme nous le voyons ici, l'ATtiny85 peut même produire des sons avec un peu de programmation astucieuse. Au bout du compte, toutefois, toutes ces solutions signifient que votre contrôleur ne fait que répéter ce que des humains ont saisi et ne peuvent donc pas être considérés comme des robots musicaux à proprement parler.
On pourrait supposer (et même espérer) que le génie musical de Mozart, Beethoven et d'autres artistes d'autrefois ne pourra jamais être imité par un robot musical ou une IA musicienne. Or, les progrès des technologies informatiques et de l'apprentissage automatique pourraient en fait rendre cela possible.
Certains musiciens humains ont le don de composer des chansons, tandis que d'autres se spécialisent dans l'exécution de mélodies écrites par d'autres. D'autres encore, comme les musiciens de jazz et les groupes d'improvisation, se spécialisent dans la création de musique à la volée.
Ces différentes disciplines se chevauchent très largement chez les musiciens humains. En général, les robots et les systèmes d'automatisation ont tendance à se consacrer à une seule tâche. Cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas apprendre. Bien que les groupes de robots improvisateurs ne soient pas encore répandus, il en existe quand même aujourd'hui sous plusieurs formes.
Le One Love Machine Band joue des morceaux programmés en MIDI
Comme on a pu le voir sur CNN, le One Love Machine Band de Kolja Kugler est capable de faire jouer de la guitare basse et de la batterie à une paire de robots vaguement humanoïdes. Des oiseaux mécaniques les accompagnent en sifflant, ce qui rappelle des concepts d'automatisation très anciens.
Les matériaux utilisés pour construire ces robots sont récupérés dans des décharges et ces musiciens mécaniques sont animés par de l'air comprimé. Bien qu'ils puissent jouer des mélodies préprogrammées, on pourrait dire que l'acte de création artistique véritable réside ici dans la fabrication de ces deux êtres électriques. Kugler note qu'ils ont « une affinité pour le punk rock », bien leur style visuel évoque également un peu le reggae.
On notera que, bien que leur prestation ressemble d'une certaine manière à celle des automates qui se produisent dans des restaurants pour enfants ou des parcs d'attractions évoquant un certain rongeur, le One Love Machine Band joue réellement de ses instruments via une programmation MIDI. On pourrait dire que One Love est composé de véritables robo-musiciens, alors qu'un grand nombre d'autres automates sont l'équivalent d'un boys band robotique faisant du play-back.
La 10e symphonie de Beethoven « achevée » près de 200 ans plus tard
À sa mort en 1827, Beethoven laissa des notes préparatoires pour sa 10 symphonie, dont l'écriture était encore en cours. Tenter de deviner ce qu'il avait imaginé et essayer d'achever correctement son œuvre est une tâche redoutable. Une équipe de musicologues, de compositeurs et d'informaticiens s'y sont pourtant attelés en 2019. Ils ont achevé leur travail à temps pour que l'œuvre puisse être exécutée à l'occasion du 250e anniversaire de la naissance de Beethoven à Bonn, en Allemagne, en 2021.
Écrivant pour le Smithsonian Magazine en 2021, le Dr Ahmed Elgammal, qui a dirigé la partie IA de cette tâche considérable, a expliqué que tout ce que Beethoven avait laissé de cette symphonie était une poignée d'idées et de notes jetées sur le papier. Ce que son équipe a eu à faire a été de faire ingérer ces ébauches d'idées par une IA, ainsi que d'autres symphonies de Beethoven et même le processus créatif du compositeur, pour qu'elle puisse devenir la doublure virtuelle de ce musicien de génie disparu depuis des siècles. C'est un exemple fascinant de la façon dont l'automatisation informatique et l'entraînement d'une IAse produisent lorsque des utilisateurs humains ne veulent pas tant programmer un ordinateur que « l'éduquer » pour obtenir le résultat souhaité.
Les réactions à l'œuvre semblent avoir été largement positives, un blogueur ayant assisté à la performance ayant même déclaré : « C'était incroyable ! Je n'aurais jamais deviné que ce n'était pas de Beethoven lui-même. » D'un autre côté, les chercheurs n'avaient pas assez de documents sources pour produire plus de deux mouvements, et extrapoler au-delà d'un certain point n'aurait sans doute pas été rendre justice à la mémoire de Beethoven.
Musique improvisée par une IA et créée avec de vrais instruments
Ça ne surprendra peut-être personne qu'avec suffisamment d'entraînement, de puissance de calcul et de temps, une IA puisse créer de la musique. Écouter d'autres instrumentistes en temps réel tout en improvisant un rythme d'accompagnement pourrait paraître trop difficile.
Le Georgia Tech Center for Music Technology et son fondateur Gil Weinberg ont pourtant contribué à faire naître ce type de robot. En 2005, leur robot batteur Haile pouvait non seulement imiter les batteurs humains, mais improviser sur des rythmes pour créer quelque chose d'entièrement nouveau. Il fut suivi en 2009 par Shimon, un robot beaucoup plus performant capable de jouer du xylophone avec quatre bras tenant chacun deux maillets. En 2017, ce modèle avait été entraîné à partir de 5 000 chansons populaires et de 2 millions de thèmes musicaux.
L'automatisation musicale entre dans l'avenir
Dans 10 ans, écouterons-nous encore des artistes humains ? Et dans 50 ans ? On peut l'espérer, même si nous verrons peut-être l'IA se faufiler dans des genres musicaux jouant davantage sur les ambiances, comme les musiques de fond de vidéos, les musiques d'attente, etc. C'est d'ailleurs déjà le cas, comme le montre la start-up musicale luxembourgeoise AIVA, qui utilise l'IA. Dès maintenant, il suffit d'un abonnement mensuel pour accéder à des musiques de fond qu'ils ont générées.
Dans son article pour le Smithsonian, le Dr Elgammal note que « la plupart des IA disponibles à l'époque [2019] ne pouvaient pas ajouter plus de quelques secondes à un morceau de musique inachevé ». Au vu de ce qu'il disait il y a à peine trois ans, ce commentaire montre bien à quelle vitesse ce monde se transforme.
Peut-être le but ultime n'est-il pas du tout de remplacer les musiciens humains, mais plutôt de fusionner nos talents dans une collaboration humains-robots pour produire des sons et des effets jusqu'alors impossibles à créer, jusqu'à ce qu'il soit quasiment impossible de dire où l'humanité s'arrête et où commencent les robots.
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