L’effet de peau (également appelé effet pelliculaire ou effet Kelvin) est un terme générique désignant le phénomène selon lequel les courants alternatifs ont tendance à circuler à la périphérie (la peau) d’un conducteur plutôt que de se répartir uniformément. En quoi consiste ce phénomène exactement et dans quel contexte se produit-il ?
Le courant alternatif et le courant continu nécessitent tous les deux l’utilisation d’énergie électrique pour regrouper les électrons par amas. Avec un courant continu, l’énergie appliquée est constante et les électrons sont tous attirés dans la même direction de manière isotrope. Le champ magnétique qui en résulte est constant et le courant peut circuler de manière uniforme dans un conducteur, quelle que soit sa forme, qu’il s’agisse de fils électriques ou de barres omnibus.
Le courant alternatif est créé par l’utilisation d’énergie électrique dynamique et le champ magnétique qui en résulte n’est pas constant. Les cours d’électromagnétisme montrent généralement comment un courant subissant des variations dans un fil électrique peut créer un courant dans un fil électrique parallèle, mais ce phénomène se produit également au sein de conducteurs individuels. Bien que la même force soit exercée sur tous les électrons à un instant T en raison de l’énergie appliquée, les champs subissant des variations créent des forces opposées, et des courants induits (courants de Foucault) commencent à se développer, générant des pertes de débit dans le courant principal. Les courants de Foucault peuvent être visualisés comme un cercle neutre qui commence au centre même de la section transversale d’un conducteur rond. Ils annulent le courant « positif » circulant dans la direction attendue, créant une zone à tension nulle. La taille de ce cercle est proportionnelle à la fréquence de l’énergie appliquée et croît au fur et à mesure que la fréquence du courant alternatif augmente. À basses fréquences, ce cercle est presque inexistant et n’a pas d’incidence sur la résistivité globale du conducteur. À mesure que la fréquence augmente, cette zone morte s’étend et « repousse » le courant positif à la périphérie du conducteur, ce qui augmente la résistance effective du conducteur en réduisant la section utile traversée par le courant. Cette section utile est appelée la peau. La profondeur de la section utile, mesurée linéairement à partir de la périphérie la plus externe du conducteur est appelée épaisseur de peau ou profondeur de pénétration. Cette épaisseur de peau d’un conducteur donné dépend non seulement de la fréquence, mais également de la résistivité et de la permittivité du matériau du conducteur.

L’épaisseur de peau n’est pas une limite absolue, mais plutôt une approximation indiquant que 63 % de la densité du courant s’y produit. Aucune barrière à l’intérieur d’un conducteur empêche le courant positif de circuler : une faible intensité de courant parcourt toujours cette zone neutre.

La théorie mathématique, c’est une chose, mais concrètement, dans quel contexte faut-il se préoccuper de cette mystérieuse zone morte affectant vos conducteurs ? Il serait commode de dire que cela importe peu tant que vous utilisez des gigahertz, mais l’effet de peau affecte presque chaque conception de courant alternatif. À 60 Hz dans un câble en cuivre, l’épaisseur de peau est de 8,5 mm. Cela signifie que pour observer ne serait-ce que l’amorce d’une zone neutre, votre conducteur doit présenter un diamètre d’au moins 17 mm. Cela semble énorme pour un fil de couplage, ou même des fils métalliques domestiques standard de 12 ou 14 mm, mais cela reste restrictif dans le cadre de l’utilisation de câbles gigantesques acheminant des kilowatts, voire des mégawatts de puissance d’une centrale électrique aux foyers et aux industries.
L’aluminium est fréquemment utilisé dans les lignes de transmission, car c’est un matériau bien plus léger que le cuivre et présentant des propriétés de conduction à peine plus médiocres. L’effet de peau est plus prononcé avec de meilleurs conducteurs et l’épaisseur de peau est proportionnelle à la racine carrée de la résistivité d’un conducteur : l’épaisseur de peau est donc supérieure à celle observée avec le cuivre pour l’acheminement de la même puissance. La racine carrée est l’équation qui empêche l’aluminium de devenir un « meilleur » conducteur que le cuivre, mais cette épaisseur de peau étendue renforce les arguments en faveur de l’utilisation de l’aluminium dans les lignes de transmission, car c’est un métal bien plus léger et plus économique.
À mesure que la fréquence augmente, l’épaisseur de peau décroît plus vite qu’on pourrait le penser et peut provoquer des problèmes même à l’étape de conception. À 100 kHz (une fréquence de commutation courante pour un convertisseur de puissance), l’épaisseur de peau dans le cuivre n’est que de 0,2 mm. Si vous utilisez un produit comme le commutateur hors ligne NCP1060 ON Semiconductor pour convertir 220 VCA, vous êtes susceptible d’utiliser 2, voire 4 onces de cuivre sur votre PCB pour prendre en charge toute cette puissance. Ce segment haute fréquence de la carte peut ne pas tirer parti de ce cuivre supplémentaire en raison de l’effet de peau et votre système peut se comporter de façon inattendue en raison de cette augmentation de résistance. Cet effet est l’une des raisons, entre autres, pour lesquelles les concepteurs de cartes cherchent à garder des chemins haute fréquence aussi courts et directs que possibles dans les conceptions commutées.
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Heureusement, il existe plusieurs méthodes pour lutter contre cet effet à tous les niveaux. L’épaisseur de peau s’applique à chaque conducteur individuel. Si vous utilisez plusieurs conducteurs légers au lieu d’un seul gros conducteur, l’effet de peau n’affecte aucun des conducteurs légers et votre résistance équivalente peut être bien plus faible. C’est pourquoi les fils multibrins sont si fréquents dans les applications de courant alternatif, même pour les applications relativement basse fréquence comme les lignes électriques. Les torons métalliques peuvent également être placés autour d’un noyau robuste, plus léger, comme l’acier ou même la fibre de carbone, pour une meilleure stabilité sur de longues distances dans les applications haute puissance. Des traces plus larges sur un PCB offrent une plus grande surface de contact et maintiennent des résistances de trace faibles. Ces considérations de conception simples peuvent neutraliser l’effet de peau dans la plupart des conceptions de puissance, mais les conceptions RF qui fonctionnent à des centaines de mégahertz ou gigahertz requièrent une planification rigoureuse et l’expertise d’ingénieurs expérimentés pour fonctionner correctement. Des câbles à fibres optiques utilisant un milieu non métallique pour transmettre des données sont généralement nécessaires, car l’épaisseur de peau des conducteurs standard serait beaucoup trop faible.

