Halloween approche et tandis que les pensées des enfants se tournent vers les friandises et les douceurs, celles de parents s'orientent plutôt vers la préparation des costumes, voire vers les éventuelles caries dentaires. Les ingénieurs en électricité, eux, pensent... aux batteries.
Mais pourquoi les batteries ? Les ingénieurs savent que les batteries sont indissociables des nombreuses décorations lumineuses d'Halloween, des écrans et des expositions. Elles sont utilisées dans d'innombrables applications, dans une grande variété de formes et sont, généralement, immédiatement disponibles, de telle sorte qu'il est très facile de les considérer comme une source évidente de puissance électrique.
Mais la réalité est que ces éléments passifs et omniprésents recèlent de très nombreuses subtilités. La batterie, selon sa fonction, sa taille, et, surtout, sa chimie, peut être un élément sûr et facile à utiliser ou constituer un sérieux risque chimique ou d'incendie. (Notez que les termes « batterie » et « pile » sont souvent utilisés de manière interchangeable. Au sens strict, une pile est un simple assemblage d'électrolytes de métaux, et plusieurs cellules sont souvent utilisées pour constituer une batterie délivrant une tension plus élevée. En cas de confusion, observez attentivement le contexte ; le plus souvent, l'emploi de la mauvaise terminologie ne constitue pas un problème, quel que soit le sujet abordé.)

Figure 1 : Derrière ce simple symbole schématique de « batterie » se trouve un monde complexe fait de chimie, de science des matériaux, mais aussi divers types et degrés de risques. (Source : rendu de l'auteur)
La première étape consiste à ne jamais oublier que les batteries sont des réserves électrochimiques d'énergie. Elles tirent leur puissance — le taux d'utilisation de cette énergie — d'une interaction entre leurs surfaces conductrices (plomb, argent, cuivre, lithium et bien d'autres métaux) et un électrolyte interposé, qui « brasse » les substances et les chimies complexes. Par conséquent, les batteries présentent deux sources potentielles de problèmes : le fait que ce sont des réserves denses d'énergie (comme le carburant !), et les matériaux utilisés (les conducteurs et l'électrolyte).
Les batteries sont réparties en deux groupes de base : les primaires et les secondaires. Les batteries primaires ne peuvent pas être rechargées ; elles deviennent inutiles dès qu'elles sont déchargées (certains affirment qu'elles peuvent être rechargées à un certain point, mais la capacité après rechargement est généralement bien inférieure à celle d'une batterie primaire neuve ; en outre, cette opération peut s'avérer dangereuse). Les batteries secondaires sont conçues pour être rechargées, ce qui introduit un autre sujet d'inquiétude dans le monde des piles — les dangers liés à un rechargement impropre.
La chimie raconte l'histoire
Il existe de nombreuses conceptions de batteries et de chimies adaptées à des usages variés, chacune d'elles possédant ses propres variations. En outre, des technologies moins connues sont employées dans des applications spécialisées. Parmi les modèles les plus couramment employés, on trouve les batteries au plomb, à oxyde d'argent, alcalines et au lithium (les types carbone-zinc et nickel-cadmium ont été largement supplantés). Outre ses performances principales, chaque type présente un ensemble différent de compromis : tension de sortie, densité énergétique (W/h) capacité (évaluée par rapport au volume et au poids), problèmes liés à l'installation, plage de températures de fonctionnement et de stockage, facilité de gestion du chargement pour les batteries de type secondaire, risques potentiels et, bien entendu, coût, pour ne citer que quelques-uns des nombreux facteurs.
Observons certaines de leurs caractéristiques principales en matière de sécurité :
Les batteries plomb-acide sont principalement utilisées dans les véhicules à combustion interne afin de faire démarrer la voiture et d'alimenter l'électronique ; elles servent également comme puissance d'appoint et dans les installations de sauvegarde. Bien que le plomb constitue un risque potentiel en cas d'ingestion et que l'acide sulfurique soit un danger avéré (dans certaines batteries, l'acide est stocké sous forme de gel pour éviter les risques de fuites et d'éclaboussures), le principal frein à l'utilisation de ce type de batterie pour les applications « personnelles » est son poids élevé et sa faible densité énergétique. Cette chimie peut tolérer les surcharges, mais elle produit un gaz à base d'hydrogène et d'oxygène potentiellement explosif à taux de charge élevé, ce qui oblige à ventiler la zone.

Figure 2 : La structure de base de la batterie plomb-acide, qui a été utilisée pendant plus de cent ans sous cette forme, a évolué pour atteindre un niveau plus élevé de performances, de fiabilité, de capacité et de facteur forme. (Source : Progressive Dynamics, Inc.)
Sinon, le processus de chargement est relativement simple si on le compare à celui des autres types de batteries secondaires. La batterie est chargée par une source de tension qui s'arrête dès que la pleine charge est atteinte. Il est possible d'utiliser une légère charge d'entretien pour préserver un niveau de puissance élevé (« maximum ») et compenser les inévitables décharges qui se produisent même si aucune charge n'est appliquée à la batterie.
La chimie des batteries à oxyde d'argent utilise l'argent comme première électrode et le zinc comme seconde, ainsi qu'un électrolyte, qui est généralement l'hydroxyde de sodium (NaOH) ou l'hydroxyde de potassium (KOH). Les batteries qui font appel à cette conception peuvent aller des petites piles bouton (généralement utilisées dans les appareils personnels tels que les petites montres, les minuteurs et les compteurs) aux dispositifs plus importants chargés, par exemple, de l'alimentation des torpilles ou d'éléments d'engins spatiaux. Les batteries à l'oxyde d'argent sont, principalement, de type primaire ; toutefois, il existe certaines versions qui peuvent être utilisées comme dispositifs secondaires dans le cadre d'applications non destinées au grand public. Elles disposent d'une densité énergétique élevée, tant par rapport à leur poids que par leur volume ; toutefois, celles qui sont utilisées dans les applications de masse sont relativement petites, ce qui fait que leur capacité totale de stockage d'énergie est très modeste.

Figure 3 : Les piles bouton ou en forme de pièce sont le facteur forme le plus répandu pour les batteries à base d'oxyde d'argent. Elles ne présentent qu'un modeste risque lié à leur élimination tant que leur enveloppe est intacte. Il existe des dizaines de tailles qui ne sont pas tout à fait identiques (diamètre et épaisseur), ce qui peut parfois être très frustrant lorsqu'il s'agit de les remplacer. (Source : Wikipedia)
L'argent et le zinc ne posent aucun problème de sécurité, mais ce n'est pas le cas de l'électrolyte en cas de corrosion ou de dégâts de l'enveloppe (cette dernière situation n'est pas fréquente tant qu'il n'y a pas de tentative mécanique d'ouverture). Il peut être dangereux d'avaler la batterie. Le contenu d'une batterie ouverte peut provoquer des brûlures chimiques sérieuses de la bouche, de l'œsophage et du tractus gastro-intestinal ; tout contact du contenu d'une batterie ouverte avec la peau ou les yeux peut provoquer une irritation et/ou des brûlures chimiques.
Les batteries alcalines sont la chimie la plus utilisée par les consommateurs, que ce soit dans les tailles standard AAA, AA, C, D et 9 V ou sous forme de piles bouton ; elles proposent un équilibre très attractif entre le prix et la capacité énergétique. La plupart des piles alcalines sont des batteries primaires jetables et ne sont pas censées être rechargées (bien qu'il existe certaines versions secondaires spécialisées rechargeables). La batterie alcaline utilise le zinc et le manganèse avec un électrolyte alcalin en hydroxyde de potassium logé dans une enveloppe en alliage d'acier.

Figure 4 : Les consommateurs sont très familiarisés avec la taille et le facteur forme standard des piles alcalines, ainsi qu'avec leur forte disponibilité. (Source : Duracell, Inc.)
Outre les problèmes d'éclatement liés aux tentatives de rechargement des modèles primaires, les batteries alcalines présentent deux risques. Sur la durée, une corrosion du boîtier est susceptible se produire, ce qui peut entraîner une fuite de l'électrolyte : cette dernière constitue un danger pour la peau et, plus particulièrement, pour les yeux. Le plus gros problème est que la batterie risque d'exploser si on la jette au feu. C'est pourquoi il est important de s'en débarrasser par le biais d'une filière d'élimination sans incinération.
Il existe des dizaines de déclinaisons de la chimie des batteries à base de lithium, chacune proposant des options subtiles en termes de densité, de coûts, de vitesse de décharge, de performances face aux charges plus lourdes ou plus légères et autres facteurs. Ces dernières années, du fait leur forte densité énergétique par rapport à leur poids et leur volume, les piles au lithium sont devenues très populaires sous forme de batteries rechargeables équipant les produits les plus populaires auprès du grand public, tels que les smartphones, les ordinateurs portables et autres. Elles ont également décroché un rôle majeur dans les applications commerciales et industrielles de grande envergure, telles que le module principal de stockage d'énergie du Boeing 787 Dreamliner, dont la capacité atteint des centaines de kW/h. Bien que les batteries au lithium soient parfois utilisées sous forme de batteries primaires, elles ont été largement adoptées comme source de puissance rechargeable.
Quelles que soient les spécificités de leur chimie, toutes les piles au lithium présentent un risque d'incendie non négligeable, qu'elles soient chargées ou non. Lorsqu'elles sont chargées, elles constituent un réceptacle compact d'énergie intense susceptible de s'enflammer en cas de défaillance interne, généralement consécutive à une contamination de la couche ultrafine de séparation par de microscopiques particules métalliques. Ceci déclenche un court-circuit à forte résistance susceptible d'entraîner une surchauffe due à la fuite d'énergie ; la chaleur peut alors déclencher une fuite thermique et un embrasement. Pire encore, la surchauffe de la cellule peut également entraîner la surchauffe et l'embrasement des cellules voisines. Il existe, par exemple, des cas documentés d'ordinateurs portables qui, sans même être branchés, se sont spontanément enflammés (et le Boeing 787 rencontre des problèmes quelque peu similaires, mais à une échelle bien plus grande).
Outre les dangers évidents liés aux flammes, les incendies déclenchés par le lithium ne peuvent pas être éteints à l'eau ; des mousses et produits chimiques spécifiques doivent être utilisés. Par conséquent, un certain nombre de compagnies aériennes et d'affrètement ont renoncé au transport de piles au lithium à cause des risques d'inflammation spontanée. Bien entendu, les piles au lithium ne doivent jamais être incinérées. Elles peuvent également s'enflammer si leur taux de charge/décharge est trop élevé ou en cas de surcharge, c'est pourquoi il est essentiel de gérer convenablement ce cycle.
Avec les batteries au lithium et les ensembles multicellules, la sécurité est obtenue par une approche à plusieurs niveaux au cours de la fabrication et de l'utilisation. D'abord, le processus de fabrication doit évidemment être impeccable et soigneusement contrôlé. Ensuite, bien que cela compromette une vertu majeure de la chimie, cette dernière peut être ajustée afin de réduire la densité de l'énergie stockée à un niveau inférieur.
Le niveau de sécurité suivant implique la protection spéciale intégrée dans la cellule. Un dispositif PTC (coefficient de température positif) ouvre et bloque le débit de courant en cas de surtension ou si la température interne augmente du fait d'une surcharge ou d'un taux de décharge excessif ; les autres CI de surveillance de la charge/décharge sont également intégrés dans la batterie. Notez que la clé consiste à éviter le déclenchement de la fuite thermique, car dès qu'elle commence, elle ne peut pas être arrêtée électriquement par un circuit, quel qu'en soit le type.
Par exemple, pour la surveillance interne, les gammes de circuits bq76920, bq76930 et bq76940 de Texas Instruments sont conçues pour la gestion de blocs de batteries Li-ion équipés en série de trois à quinze cellules. Un convertisseur A/D interne (ADC) mesure la tension de la cellule, la température de la matrice, et la thermistance externe, tandis qu'un ADC distinct mesure le courant du bloc (comptage de coulombs). Les fonctions de protection du matériel incluent la surveillance des surintensités en décharge, les courts-circuits en décharge, ainsi que les conditions de surtension et de sous-tension. En cas de détection d'une condition de défaillance, le CI met fin à l'opération de charge/décharge et envoie une interruption au microcontrôleur du système.

Figure 5 : Les CI BQ76920, BQ76930 et BQ76940 (pour les modèles trois à quinze cellules) de Texas Instruments sont conçus pour être intégrés dans un bloc batterie et contiennent un certain nombre de fonctions sophistiquées permettant la surveillance et les alertes en cas de problème au cours de la charge/décharge de cellules à base de lithium. (Source : Texas Instruments)
Les batteries sont si courantes et polyvalentes qu'il est aisé de s'en servir avec une trop grande confiance. Cependant, comme tout composant à base de chimie intégrant certaines matières potentiellement dangereuses, chaque type de batterie présente des risques.
Dans certains cas, la source du danger se situe hors du domaine de compétence d'un ingénieur électricien ; dans d'autres, elle entre dans ce domaine et l'utilisation de CI spécialisés et de topologies système est obligatoire pour permettre le déploiement efficace et sûr des batteries. L'expérience de l'utilisation régulière et généralisée de milliards de batteries prouve que les risques qui leur sont inhérents peuvent être contenus et gérés.

